Ebola étant éradiqué, nous pouvons recommencer à nous plaindre des transports en commun
http://www.theguardian.com/commentisfree/2015/sep/07/ebola-transports-commun-liberia Version 0 of 1. Tous les matins, mon réveil sonnait à 04:50. Je me levais, me lavais et m’habillais en vitesse, j’avais à peine le temps de préparer le petit déjeuner avant de me ruer sur le macadam. Aussi précoce que soit l’heure de mon départ, il y avait toujours une cinquantaine de personnes qui attendait déjà le long de la chaussée, scrutant la circulation qui se dirigeait dans notre direction, leur respiration visible dans l’air froid du petit matin. Il y avait des écoliers, certains ayant juste 4 ou 5 ans, des collégiens, des étudiants, des hommes et des femmes se rendant à leur travail, et des femmes allant au marché pour y vendre leurs marchandises. Le trajet de chez moi jusqu’à cet arrêt me prenait 30 minutes, mais d’autres devaient marcher une bonne heure pour l’atteindre. Deux bus arrivaient. Nous nous précipitons et nous poussions pour monter à bord. Les places assises étaient rapidement occupées, nous nous serrions, certains restaient debout, d’autres s’asseyaient sur les genoux de personnes conciliantes. Related: After Ebola, we can start getting angry about the buses again | Saah Milllimono Les bus se dirigeaient vers le centre de Monrovia, la capitale du Libéria. Le trajet n’aurait pas dû prendre plus de 15 minutes, mais la route à deux voies était pleine de trous, et si étroite que les voitures roulant en sens inverse se touchaient presque. La circulation était si dense que certains conducteurs opportunistes n’hésitaient pas à quitter la route, et à créer une troisième voie dans la poussière du bas-côté. Presque tous les jours, le trajet prenait 40 minutes, et lorsque nous arrivions enfin, nos habits empestaient les gaz d’échappement. Tout cela se passait avant l’épidémie d’Ebola. Lorsque la maladie s’est répandue, les écoles et les entreprises ont fermé, contribuant à déstabiliser un peu plus l’économie déjà si fragile du Libéria. L’épidémie a démontré ce que nous savions déjà, mais dont le reste du monde ne se doutait pas : que le secteur sanitaire du Libéria était encore plus vulnérable que son secteur économique. Il n’y avait pratiquement pas d’ambulances ; les cliniques et les hôpitaux manquaient de fournitures; les docteurs et les infirmières n’avaient pas la formation requise. De plus, les Libériens n’avaient presqu’aucune information sur cette maladie : alors que l’épidémie battait son plein, nous pensions que nous allions tous mourir dans les mois à venir. Ebola a mis fin aux bousculades matinales pour monter dans le bus. Comme la maladie se transmet par contact direct, nous refusions de nous serrer la main, d’utiliser les toilettes publiques, de toucher les objets appartenant à d’autres personnes. Lorsqu’il était inévitable de côtoyer la foule, par exemple pour aller au marché, nous avions l’impression que la mort nous suivait pas à pas, comme notre ombre. Et nous en avions des frissons. Désormais, les voyageurs matinaux faisaient la grasse matinée et les rues, naguère remplies de personnes attendant leur moyen de transport, étaient étrangement calmes. Aujourd’hui, Ebola est presque totalement éradiqué. Les six nouveaux cas déclarés en juillet n’ayant entrainé aucun décès, je peux à nouveau me concentrer sur un problème qui me tient à cœur : l’état déplorable de notre système de transport. Et je repense à tous ces gens qui font des allers et retours vers le centre pour se rendre sur les marchés avec leurs produits, nourriture ou autre. Avec le retour à la normale, c’est aussi le retour de la fatigue pour les écoliers et les travailleurs, qui vont recommencer à se bousculer pour prendre le bus à l’aube pour arriver à l’heure à leur destination. Je vais retourner voir mes amis et nous allons recommencer à déplorer ensemble les priorités du gouvernement. En tête de notre liste, le don fait par la Chine à notre gouvernement : 12 berlines et 4 bus, pour une valeur d’un million de dollars. Un cadeau bienvenu – sauf que ces véhicules doivent être utilisés « à des fins protocolaires ». Notre plus grande frustration vient du fait que les élites ne s’occupent que de leurs propres intérêts. Comme je l’ai entendu dire (en Kreyol, notre patois local) par une vendeuse ayant échoué à monter dans le bus pour rentrer du marché : « Ils se pavanent dans leurs belles grosses voitures mais nous autres, nous n’avons même pas un petit bus merdique pour nous ramener à la maison. • To comment on this article, click here |