Au Burundi, malgré les troubles politiques, les projets de centrales solaires sont mis en route

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Lorsque des entrepreneurs et des membres du gouvernement ont signé un accord sur la première centrale solaire au Burundi, l’avenir de cette nation pleine d’énergie semblait très prometteur. Le lendemain, des tirs se faisaient entendre dans les rues et des bâtiments prenaient feu – un général rebelle essayait de prendre le pouvoir.

Tels sont les défis de l’exploitation des énergies renouvelables dans l’un des pays les plus instables d’Afrique. « On était tellement excité », se souvient Lazare Sebitereko, directeur du programme pour le Burundi de l’entreprise spécialisée dans le développement solaire et social Gigawatt Global. « Ça nous a contrarié, car on voulait commencer notre projet. On ne s’est pas arrêté mais la progressions est lente par rapport à ce à quoi on s’attendait. »

Néanmoins, Sebitereko espère que les travaux débuteront d’ici la fin de l’année. Ils doivent porter sur une centrale solaire de 7,5 megawatts (MW) qui changera l’existence des habitants de ce petit pays enclavé où seul un habitant sur 25 à un accès résidentiel à l’électricité. L’énergie sera acheminée sur 17 hectares dans le village de Mubuga (province de Gitega), à 105 km de la capitale, Bujumbura.

Gigawatt Global tire des leçons du Rwanda voisin, où l’entreprise a ouvert l’année dernière le plus grand champ solaire (d’une capacité de 8,5 MW) de l’Afrique de l’Est. Mais malgré les similitudes au niveau du climat, de la topographie et de la culture, le Burundi est une option risquée et bien moins prévisible.

Sebitereko et Jean-Jacques Nyenimigabo, un conseiller du président burundais, ont visité le site isolé en septembre pendant un voyage où ils étaient plongés dans un paysage de collines et vallées verdoyantes à vous couper le souffle. Mubuga n’a jamais était électrifié et se trouve à 11 km du réseau électrique le plus proche.

Nyenimigabo, qui se trouvait dans sa propre circonscription, a assuré les habitants qui l’écoutaient avec attention qu’ils allaient profiter des bienfaits de cet investissement de 22 millions de dollars.

« Ce serait dommage que Mubuga produise de l’électricité pour d’autres villes sans qu’on en bénéficie », remarquait-il. « Mais faites-nous confiance. Une partie de cette énergie sera destinée à la population locale. Quels qu’en soit les bénéficiaires, on fera partie des premiers à en profiter. »

La centrale permettra de créer 300 postes dans l’entretien, la construction et l’assistance, dont au moins 40% destinés aux femmes, avait alors promis Nyemigabo. « Les hommes dépensent leur argent en s’achetant de l’alcool. Avec les femmes, on sait que l’argent sert à nourrir la famille. »

Gigawatt Global va également répartir 100 panneaux solaires entre les dirigeants locaux. L’un d’entre eux, Placide Manirambona, 34 ans, s’en réjouit : « Ce projet est plus que bienvenu car nous vivons dans l’obscurité et sommes contraints d’aller dormir dès qu’il fait nuit. Nous sommes contents que ce projet s’accompagne d’initiatives de développement. »

Manirambona ajoute : « Nous espérons que l’énergie solaire réduira le nombre d’arbres abattus dont on se sert pour le bois de chauffage et le charbon de bois car l’électricité peut être une alternative dans la cuisine. Le projet nous permettra d’obtenir de meilleurs résultats dans l’éducation. Les élèves qui ne pouvaient pas faire leurs devoirs dans le noir pourront à présent réviser. Leur vue ne se détériorera plus en raison d’un éclairage inadapté.

Si ce projet réussit, d’autres communautés pourront suivre notre exemple car nombreux sont les pays qui manquent d’électricité. Si le soleil peut nous en procurer, de nouvelles perspectives s’offrent à nous. »

Le Burundi a certainement besoin de plus de sources d’énergie. Les infrastructures installées ont une capacité de production d’à peine 52 MW, dont 15,5 MW produits par des générateurs au diesel. Les coupures de courant influent sur le mode de vie et limitent fortement les activités de certaines filières comme le secteur minier.

Sebitereko pense que le projet, cofinancé par des subventions américaines, britanniques, finlandaises et autrichiennes, donnera également à la communauté le sentiment de posséder ses ressources et aura des retombées sur la formation et l’emploi sur le long terme. « Le lien entre le projet et l’éducation est primordial. Demain, nous auront besoin de techniciens et nous ne voulons pas être dépendants de l’étranger.

Demain, nous pourrons nous occuper nous-mêmes de l’entretien et faire partie du système. Parmi les enfants qui grandissent avec ces technologies, il y en a qui vont travailler sur ces sites, non pas qu’en tant qu’ouvriers mais aussi comme techniciens. »

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Toutefois, cette grande vision a été mise à mal par les récents bouleversements à Bujumbura. Des manifestations ont éclaté au mois d’avril contre le président Pierre Nkurunziza qui s’était porté candidat pour un troisième mandat, une décision largement condamnée et considérée comme anticonstitutionnelle. On estime qu’au moins une centaine de personnes ont trouvé la mort dans ces affrontements.

En mai, le général Godefroid Niyombare a déclaré que Nkurunziza a été evincé. Mais le président a réaffirmé son contrôle. Le coup d’État manqué s’est produit le lendemain de la signature du contrat relatif à la centrale solaire.

C’était la dernière chose dont avait besoin Gigawatt Global. Michael Fichtenberg, son directeur général au Burundi, a qualifié le contexte d’« inquiétants » tout en ajoutant : « Nous demandons à la communauté internationale qu’elle nous apporte un financement et nous permette de mener à bien ce projet. »